dimanche 3 avril 2011

Fantômes et cimetières de la Nouvelle-Orléans avec Clarence John Laughlin





 Clarence John Laughlin est né à Lake Charles en Louisiane en 1905, il décèdera le 2 Janvier 1985 et sera enterré au cimetière du Père Lachaise.


Très jeune, il ira vivre avec ses parents à la Nouvelle-Orléans, ville qui exercera une grande influence sur son évolution.


Il promène sur la Nouvelle-Orléans "un oeil qui ne dort jamais", selon ses propres mots. Et dans une Amérique meurtrie par la crise des années 1930, l'objectif de Clarence John Laughlin caresse ces visages, entre rêve noir et réalité d'un environnement décrépi.


"Dans l'imagerie hallucinée des femmes qu'il met en scène, apparitions voilées ou dénudées au coeur de décombres funèbres, ne faut-il pas voir les figures d'une rédemption possible ou, au contraire, celles d'un deuil définitif ? Théâtralisant avec les plus étonnants protocoles son inaltérable regret d'un Sud porteur de valeurs dont il ne cesse d'enregistrer l'inéluctable effondrement".

Auteur prolixe influencé par Baudelaire et des écrits de Huysmans, il a réalisé plus de deux cents expositions mais le milieu photographique l'a toujours considéré comme un artiste marginal.

Pour Laughlin, l’écriture et la photographie étaient indissociables. Il attribuait des titres à chacune de ses œuvres et composaient des paragraphes entiers pour ses légendes qui pouvaient, dans certains cas, s’étendent sur des pages entières. Ses nombreux textes décrivant ses images témoignent de sa personnalité intense et de sa culture.

Sa renommée est lancée avec la publication en 1948 de "Ghosts Along the Mississippi: an essay in the poetic interpretation of Louisiana’s plantation architecture", présentant cent de ses photographies sur l’architecture antebellum en bordure des rives du Mississippi. Avec des effets inhabituels et une attention particulière à la lumière, Laughlin redonne à ces bâtiments en déclin le sens de leur splendeur disparue.

Œil torturé, amateur d'étrange, de littérature et de musique, il apparaît aujourd'hui comme un représentant unique de ce que le surréalisme, au-delà de mises en scène d'un goût parfois douteux, a pu produire en photographie.



Attiré par la métaphysique et fréquentant souvent les cimetières, il transforme, par son cadrage et son sens de la lumière, une couronne mortuaire en insecte inquiétant, place dans des ruines paisibles une femme voilée qui porte un cadre à hauteur du visage donnant l'impression étrange que son portrait la précède, et métamorphose une croix de fer battu en sculpture contemporaine.

Ce qui le passionne, en fait, c'est de subvertir, par des jeux de miroirs, d'ombres, de cadrages, par une attention soutenue envers les nuages et un sens certain de la mise en scène, ce que son œil ou son objectif rencontrent.


"J'essaye, dans une grande partie de mon oeuvre, d'insuffler à toute chose, y compris les objets prétendus "inanimés", le souffle de l'esprit humain. J'en suis venu à comprendre, progressivement, que cette projection animiste extrême résulte, au bout du compte, de la peur et de l'inquiétude profondes que je ressens devant la mécanisation de plus en plus rapide de la vie humaine, ainsi que de la tentative qui en découle d'effacer la marque de l'individu dans toutes les sphères de l'activité humaine, l'ensemble de ce processus étant une des expressions dominantes de notre société militaro-industrielle...

L'artiste photographe libère le contenu humain des objets et confère une humanité au monde inhumain qui l'entoure"(Clarence John Laughlin)